L'effacement de la figure de l'auteur dans la construction événementielle d'un "journal" de campagne électorale et la question de la responsabilité, en l'absence de récit primaire

L'article analyse le lien entre gestion des points de vue et responsabilité de l'auteur, dans un texte d'une pleine page du Monde, intitulé « La campagne a déchaîné les passions françaises », (dimanche 29/lundi 30 mai 2005). Cet article, paru la veille du référendum relatif au traité européen constitutionnel, fait le bilan de la campagne électorale. Bien qu'il ne repose pas sur un effacement énonciatif total – car les choix de la référenciation sont significatifs, au plan des énoncés –, l'article présente un effacement de la figure de l'auteur, en l'absence de discours primaire, alors que se succèdent de nombreux petits textes qui sont autant de focales grossissantes sur des événements marquants. L'article du Monde se présente comme suite de brèves construisant un récit de type calendaire, qui met en scène les deux forces actantielles antagonistes du OUI et du NON, avec leur champion, Chirac et Fabius (1). Les éléments du péritexte – surtitre, titre, chapeau, intertitre(s) et signes icono-graphiques (illustrations et légendes) – renvoient à un énonciateur collectif (surénonciateur, en l'occurrence) qui, par les traces de dialogisme, oriente la lecture dans un sens dépréciatif tant pour la politique en général que pour le camp du NON en particulier. Cette interprétation est accrue par les intertitres et leads (2). Le surénonciateur des photos, légendes et de la mise en page accroît cette tendance, tout en dramatisant fortement l'événement (3). La mise en scène textuelle de l'événement sera analysée d'une part à travers la construction événementielle des discours rapportés/représentés, notamment le rôle d'actantialisation des locuteurs, en raison du sémantisme des verba dicendi ou des inférences actantielles des discours représentés, d'autre part à travers les structures antithétiques de la construction événementielle, pathémisante (4). L'ensemble de ces épisodes, présentés selon une équidistance assez constante, crée un simulacre de « monstration événementielle » (von Münchow 2004 : 148-151, 191). L'empathisation conduit les journalistes s'effacer devant les acteurs et à adopter sans distance des perspectives antagonistes, présentées alternativement avec la même neutralité ou bienveillance